Métro 3, place Liedts, progrès pour la ville mais pas pour la vie?
Les transports publics dans un nouveau quartier sont généralement considérés comme ayant un impact positif. Mais on a tendance à oublier le facteur humain dans ces projets.
Métro 3 – le nouveau mégaprojet de mobilité à Bruxelles entraîne des coûts et des avantages considérables pour la ville. « Dans les choix de développement, il faut quand même toujours se poser la question : est-ce qu’on n’est pas en train de gaspiller des moyens publics » ? Liévin Chemin, réalisateur du documentaire social « Mais qui veut changer Liedts ? », explique que ce métro a un coût énorme pour l’économie bruxelloise et que la ville ne peut pas se permettre de tels coûts. Plus précisément, les zones de Schaerbeek qui subiront les travaux les plus importants se trouvent être des quartiers à faibles revenus de Bruxelles. L’estimation du coût de construction de la ligne 3 du métro la plus récente de 2,65 milliards d’euros, près de 20 % de plus depuis la dernière estimation de 2,25 milliards d’euros, datant de décembre 2021. De même que cette estimation a changé, la date initiale de finalisation des travaux a été repoussée à plusieurs reprises : 2025, puis 2028, 2030, 2032, etc. Il va sans dire que le fait de vivre au milieu de la construction d’un métro a un impact négatif sur leur vie quotidienne. Pour les résidents locaux, cela pourrait signifier des années de vie avec le bruit et la poussière de la construction et des restrictions très dérangeantes pour leur vie quotidienne, leur santé et leur économie.
L’opinion des habitants du quartier est souvent ignorée
Comme dans d’autres quartiers tels que Stalingrad où il y a également des travaux de métro, la décision de faire passer un métro dans ces quartiers a été prise dans leur dos, en ce sens qu’ils ont reçu une annonce et n’ont pas eu l’occasion de voter. Cette expérience met en évidence l’importance d’une véritable consultation et de la participation significative du public dans le processus de planification et d’exécution des travaux importants dans la ville. Comme l’a dit Gandhi, « ce qui est fait pour moi, mais sans moi, est en fait contre moi ». Et Liévin Chemin suggère une approche intégrée :
« Ce qui serait bien, c’est qu’il y ait peut-être un double objectif : augmenter la mobilité et, en même temps, rénover les quartiers de manière à reconnaître leur productivité, sans les empêcher d’être productifs et distinctifs. »
Faire progresser le quartier en incluant les habitants et non en les laissant de côté est essentiel. La plupart des habitants de Schaerbeek et des environs de Liedts y vivent depuis longtemps et ont un lien particulier avec ces quartiers. Il leur serait difficile de partir, car pour beaucoup d’entre eux, Schaerbeek est tout ce qu’ils ont connu. L’aspect multiculturel est un autre facteur qui fidélise les habitants de ce quartier.
La rue Brabant et son importance économique
Le nouvel accès à la rue Brabant s’accompagne d’une forte croissance de l’économie locale. Liévin Chemin explique la crainte des commerçants locaux de voir les petits commerces remplacés par de grandes chaînes internationales, comme c’est le cas à la Chaussée d’Ixelles. Il en résulterait une perte de la diversité présente dans ce quartier et qui constitue le principal attrait de cette zone commerciale qu’est la rue Brabant. Son identité et tout l’intérêt du shopping dans cette rue seraient perdus. Les gens viennent d’autres pays pour y faire leurs achats, les produits de leur pays qui sont difficiles à trouver ailleurs peuvent être trouvés facilement dans ces commerces.
Il est essentiel de reconnaître que l’impact d’un projet de métro ne se limite pas uniquement à ses aspects économiques et fonctionnels. Il peut également avoir des répercussions sur la dynamique sociale, culturelle et économique des quartiers concernés. Les quartiers à faibles revenus, tels que ceux de Schaerbeek, sont souvent les plus vulnérables face à ces transformations urbaines majeures. Il est donc primordial de mettre en place des mécanismes de soutien et d’accompagnement. Afin d’atténuer les éventuelles conséquences négatives, telles que la gentrification, la hausse des loyers, la disparition des commerces de proximité et des années de travail dans les rues qui ont interrompu la vie quotidienne.
Gentrification
Ce n’est pas la première fois que l’on voit une gentrification à Bruxelles, où la population actuelle d’un quartier est remplacée par une population de classe aisée. Un remplacement masqué par des appellations telles que « Redynamisation », « revitalisation » ou « Reviving » d’un quartier. Un quartier qui a vu les effets de la gentrification est situé le long du canal de Molenbeek où a été construit l’immeuble résidentiel le plus haut de Belgique, Up-Site. En face de ce grand immeuble résidentiel coûteux, on trouve des logements sociaux dans le Quartier Nord et le parc Maximilien, qui ne sont pas du tout réputés pour être des zones aisées. Le grand contraste économique dans ces quartiers tire le prix global du logement vers le haut et exclut les personnes qui sont venues ici à l’origine pour les logements abordables. Dans le documentaire « Mais qui veut changer Liedts », Lievin Chemin présente des témoins qui craignent qu’avec l’arrivée du nouveau métro, ils n’aient plus les moyens de se loger dans le quartier qu’ils appelaient autrefois leur maison. Les auteurs des projets menés dans la ville prétendent souvent que ceux-ci visent à « redonner du souffle au quartier », mais les gens ont tendance à oublier que la grande majorité des habitants serait exclue de ce quartier renouvelé.
Dans les années 60, lorsque le projet de métro a été proposé, Uccle, un quartier huppé, a refusé qu’un métro s’étende jusqu’à son quartier. La ville a écouté et, à ce jour, le métro ne dessert pas ces quartiers. Serait-ce la même chose dans les zones à faible revenu ? Cela ne semble pas être le cas dans un quartier comme Schaerbeek où les habitants ont été « informés du nouveau métro, mais pas consultés ».
Lorsque l’on développe un projet dans une ville, il ne faut jamais oublier la partie la plus importante de la ville, ses habitants. Il est évident qu’un quartier changera, mais il doit changer avec ses habitants.
Lucas Guzmán, Étudiant britannique/dominicain en communication à l'ISFSC. Grande créativité et envie de découvrir et d'explorer le monde. Avec le désir de travailler dans le domaine de la coordination/organisation d'événements. J'espère également apporter un point de vue différent sur les questions sociales dans les villes. Ancien étudiant en photographie, je garde toujours cette passion dans ma vie.