Se loger, un privilège à Bruxelles ?
Enfants, femmes, hommes, tous sont de plus en plus touchés par le sans-abrisme dans la capitale. Le nombre croissant de sans-abri est dû en grande partie à un manque important de logements.
La Fondation Roi Baudouin déclare à propos des SDF : « Les statistiques révèlent que le sans-abrisme et l’absence de chez soi augmentent dans à peu près tous les pays d’Europe ». Mais savoir que le nombre de sans-abri ne s’accroît pas seulement à Bruxelles et que le manque de logements est présent dans toute l’Europe réglera-t-il le problème ? Il est donc important de tenter de comprendre pourquoi le nombre de sans-abri continue d’augmenter à Bruxelles. Rebecca Maes, coordinatrice dans le département du développement stratégique et durable dans le programme de préventions urbaines dans l’ASBL Latitude Nord explique clairement que le manque de logements à Bruxelles est principalement responsable de cette hausse.
Qui est responsable ?
La première question qui peut être posée est la suivante : y’a-t-il assez d’organismes, d’ASBL mises en place pour les SDF ? La réponse est oui. Beaucoup d’ASBL, de services d’accueil bruxellois mettent en place des sorties de rue, accueillent les SDF, tentent de prendre le temps avec ces derniers et essaient au mieux de les sortir de leur situation. La prochaine question à se poser est de savoir si elles sont toutes efficaces. La réponse, là, n’est pas toujours très favorable…
Abdel, à la rue depuis janvier 2023, et Faysal, depuis 3 ans (noms empruntés), sont 2 frères qui ne s’en sortent plus malgré qu’ils soient belges et parfaitement intégrés (avec revenus et compte épargne bien rempli) :
» Je suis à la rue depuis le 15 janvier 2023, ayant dû déménager suite à un avis de la Commune estimant le bâtiment inadéquat aux nouvelles règles urbanistiques en vigueur (malgré 10 ans de bons et loyaux paiements – procuration à la clé). Depuis le mois de septembre 2022, je suis à la recherche active d’un studio dans les communes d’Ixelles, Schaerbeek, Etterbeek, Watermael, Woluwé,… Où j’ai toujours vécu depuis 34 ans et où je me sens bien, mais mon nom à connotation arabe et ma situation de chômeur avec pourtant de nombreux contrats à courts termes, ne me permet pas d’atteindre le 2ème niveau de sélection des propriétaires actuels.
Heureusement, je suis hébergé par un ami depuis plus de 6 mois, qui met sa vie sociale entre parenthèses pour pouvoir m’aider. Pas toujours possible tous les jours dû à la petitesse de son appartement. Ce n’est pourtant normalement pas son rôle : il y a de nombreuses ASBL supposées aider les gens comme moi. Mais chaque fois que je m’y présente, on me dit qu’il n’y a pas de solution pour moi, pourtant belge et motivé à m’en sortir ; que les places en centres d’accueil sont limitées, qu’il y a un temps d’attente (alors que je suis à la rue), que tout le monde m’abandonne, même les aides sociales. Je continue pourtant à espérer… «
Abdel
Rebecca Maes explique que les SDF sont tout d’abord exclus par leur statut de sans-abri mais à cela s’ajoute un mécanisme d’autoexclusion. À force d’être rejetés par beaucoup de services, eux-mêmes se rejettent et créent un espacement d’eux vis-à-vis d’autres et ne se présentent plus aux services. L’équipe des travailleurs sociaux de l’ASBL Latitude Nord travaille justement sur cela avec comme objectif premier : créer du contact et une relation de confiance avec eux.
Les services d’accueil sont un bon début, mais cela reste assez éphémère, après y avoir passé une journée, les SDF se retrouvent confrontés à leur réalité : leur vie se passe dehors. Il faut penser à la création consécutive de services d’hébergement.
La crise du logement touche aujourd’hui toute l’Europe, notamment sa capitale, Bruxelles, qui compte 10% de sa population locale en attente de logements sociaux. L’essor du marché immobilier s’est poursuivi ces dernières années, entravant l’accès aux propriétés.
Objectif zéro SDF avant 2030 ?
La Belgique a signé une convention européenne mettant en place un plan de travail pour le logement des personnes sans-abri visant un objectif de zéro personnes à la rue en 2030. « On va essayer de tendre vers zéro. On a toujours des gens qu’on n’aura pas récupérés. Mais il faut diminuer d’abord le nombre, et surtout raccourcir la durée où les personnes sont sans-abri, sans maison, sans logement », déclare le commissaire européen aux droits sociaux, le socialiste luxembourgeois Nicolas Schmit. Sachant que le nombre de SDF ne cesse d’augmenter à Bruxelles, il est normal de douter de cette convention …
Rebecca Maes, actrice importante dans le service de l’accompagnement des personnes en grande précarité, se confie à ce propos :
« Je ne suis pas convaincue qu’on va y arriver d’ici 2030, résoudre un problème aussi grand en 7 ans est compliqué. Mais, je pense qu’il faut garder cette idée qu’un jour on ne servira plus à rien car il n’y aura plus de sans-abri ». « Il est indispensable en tant que travailleurs sociaux de terrain de garder cette idée qu’il faut mettre fin au sans-abrisme car cela ne reste pas normal ».
Rebecca Maes
Le COVID, une grâce pour les sans-abri ?
La période COVID rime avec confinement, période où même les sans-abri de la capitale n’ont pas pu y échapper. De nombreuses structures ont été ouvertes durant le COVID : maisons d’accueil, hôtels, hébergements collectifs ont accueilli les sans-abri. Cette période difficile pour le monde entier l’a moins été pour les sans-abri qui ont eu l’opportunité de pouvoir passer des nuits plus correctes comparées à leur train de vie habituel.
Rebecca Maes commente :
« En plein COVID, on pouvait appeler le SAMU ou appeler Brussel’Help et le soir même ou le lendemain maximum, une personne avait une place. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : la majorité des hôtels bruxellois ont ferm é, le SAMU a un nombre de places limité, etc. »
Durant l’année, les gares de Bruxelles-Midi et de Bruxelles-Nord restent ouvertes quasiment 24/7 et ne ferment que lorsque les trains ne circulent plus. On peut penser que c’est une bonne chose pour eux, mais comme l’explique Rebecca Maes, c’est super, mais ce n’est pas leur place. Ils ont droit à un vrai logement.
L’hiver, une période de survie pour les SDF ?
Contrairement aux idées d’un grand nombre de gens, l’hiver n’est pas la période la plus difficile. D’après les statistiques de Latitude Nord, Rebecca Maes affirme que l’été est la période où le plus de décès sont enregistrés. En hiver, il y a beaucoup plus de budget et de structures qu’en été.
Ce reportage de BX1 montre comment les sans-abri doivent aussi faire face aux fortes chaleurs estivales :
Rebecca Maes partage sa réflexion à ce sujet :
« Il ne faut pas oublier que les SDF ont besoin d’aide toute l’année et oublier ce réflex été/ hiver. »
Rebecca Maes
Crise de logement illusoire ?
Françoise de Smedt, femme politique belge du Parti du travail de Belgique et cheffe du groupe PTB au Parlement bruxellois, s’est exprimée au sujet de la crise du logement à Bruxelles sur son compte X (ex-Twitter) :
Malgré cette augmentation du prix de l’immobilier, irrécusable, Bruxelles manque-t-elle réellement de logements et n’est-elle pas prête à ouvrir ses portes aux sans-abri en ce moment ?
Parmi les derniers chiffres officiels, 1.180 logements seraient inoccupés dans les 19 communes bruxelloises dont 117 dans la commune schaerbeekoise, information relatée par le média d’informations BX1. La commune d’Etterbeek semble tenter de prendre les choses en main en transformant une partie de ces logements en logements à vocation sociale : « On a envoyé des courriers recommandés à tous les propriétaires. On propose de les rencontrer. On propose de visiter l’immeuble. On propose un contrat de gestion », explique Vincent De Wolf, bourgmestre d’Etterbeek. Mais qu’en est-il de la commune de Schaerbeek ? Et les autres communes bruxelloises ?
Salma Tazeddine, étudiante en communication à l’ISFSC.
Approche proactive de la vie, un amour pour l’apprentissage constant et une détermination qui me pousse sans cesse à vouloir apprendre. J’aspire à utiliser ma voix pour informer, inspirer et créer un impact positif dans la société.