CRIME AU PARC REINE VERTE


Marie Boileau ne savait pas ce qui l’empêchait d’inaugurer le parc de la Reine Verte. Les travaux avaient été terminés trois semaines plus tôt et tout était prêt pour l’ouverture. Elle avait rêvé de ce moment depuis des mois, depuis qu’elle avait acheté ce terrain vague, il y avait deux ans. Pourtant, elle hésitait : un pressentiment la retenait. Elle prit une grande inspiration, s’accorda le temps d’écouter le chant des oiseaux dans les arbres, et ouvrit la grande porte sous un tonnerre d’applaudissements. 

Son pressentiment disparut, emporté par le vent qui faisait tourbillonner les feuilles d’automne. 

La journée s’écoula tranquillement, le petit restaurant était plein, les enfants jouaient dans la plaine de jeu sous le chant des mésanges, les jeunes couples s’embrassaient sous les cerisiers, et Marie, quant à elle, admirait son parc, son royaume, depuis la fenêtre de son bureau. 

Une fois le calme revenu et le soleil couché, Marie commença sa ronde avant de s’en aller. Elle se mit à rêvasser : elle se sentait comme une reine. Certes, le parc s’appelait ainsi, car il se situait dans la rue Verte et proche de la place Sainte-Marie, mais pour elle, c’était elle la reine verte. « Reine » parce qu’elle avait le prénom d’une souveraine (comme Marie-Antoinette ou Marie Stuart) et « Verte », car elle avait des yeux vert clair, qui ressortaient à merveille grâce à ses longs cheveux bruns. 

Subitement, quelque chose lui fit quitter ses fantaisies : les oiseaux avaient arrêté de chanter, l’ambiance était devenue lourde et le pressentiment qu’elle avait eu à l’ouverture était revenu.

Sans se poser plus de questions, elle confia les clefs à Marc, un des jeunes travailleurs schaerbeekois, le salua et rentra chez elle. 

Le lendemain, en pénétrant dans son château par la porte principale, semblable à celle d’un château fort, la reine verte se retrouva nez à nez avec un chat noir. Le chat miaulait et semblait vouloir lui montrer quelque chose. Marie imagina que ce chat était une femelle qui voulait lui montrer ses petits. Elle la suivit et, au fur et à mesure qu’elle s’enfonçait dans le parc, une odeur désagréable lui chatouillait les narines. 

La chatte sauta sur la muraille et Sa Majesté vit alors quelque chose d’horrible. Une vision totalement opposée à ce qu’elle imaginait. Au lieu de voir la vie, elle vit la mort. Un de ses jeunes travailleurs gisait sur le sol, inerte, une hache enfoncée dans le sternum. L’odeur était maintenant insoutenable, et avant de pousser son cri d’effroi, elle se mit à vomir son petit déjeuner. Elle s’aperçut que la chatte n’était plus là, et que sur le mur, il était inscrit d’une écriture écarlate : « dégage ».

Prise de panique, elle prit la fuite et retourna dans son bureau. Elle prit son téléphone, appela la police ; elle devait désormais attendre. Ses jambes tremblaient, sa gorge était serrée et elle n’entendait plus rien. Rien, sauf les battements de son cœur. 

La police examina la scène de crime et lui posa des questions : avait-elle vu quelqu’un, la porte avait-elle été forcée, mais Marie n’avait pas la réponse à ces questions. L’inspecteur lui demanda si elle souhaitait fermer le parc pendant l’enquête, et la peur qui envahissait la gardienne fit place à la colère. Son royaume était en danger mais elle refusait d’être une reine qui abandonne son royaume. Elle refusa. 

Elle rouvrit le parc l’après-midi même. La reine essayait de se convaincre que ce n’était qu’un accident : quelqu’un avait dû entrer dans le parc, se battre avec le jeune travailleur, ce qui avait entraîné ce meurtre. Trop bouleversée par cette vision d’horreur, Marie oublia l’écriture sur le mur. Elle alla se chercher un sandwich, descendit dans le petit terrain de basket qu’elle avait fait construire et apprécia la paix retrouvée dans son royaume. Le vent caressait son visage, les oiseaux lui chantaient une chanson, et après quelques minutes, elle sentit quelque chose sur ses genoux. Elle ouvrit les yeux et elle croisa le regard de la chatte qu’elle avait vue au matin. Elle ronronnait, rendant l’atmosphère encore plus calme. Marie termina son sandwich, remonta à son bureau, s’allongea et s’endormit tranquillement. 

Elle se réveilla quelques heures plus tard. Le soleil était couché et les oiseaux avaient arrêté de chanter. Le silence était lourd, l’air était devenu froid, et tous les visiteurs étaient rentrés chez eux. 

La gardienne n’était pas la seule à s’être éveillée. Son pressentiment de la veille l’était aussi. Elle se dirigea vers la sortie, mais la porte était fermée. 

Surprise, elle songea qu’un de ses travailleurs avait fait la ronde à sa place et elle mit sa main dans sa poche pour prendre ses clefs. 

Mais elle ne sentait rien dans sa poche. Son cœur commença à s’accélérer, elle mit sa main dans son autre poche : rien non plus. Elle alluma la lampe de poche de son téléphone pour regarder au sol : rien. « J’ai dû les faire tomber en dormant », se rassura-t-elle. Elle rebroussa chemin et retourna dans son bureau. Il n’y avait rien sur le sol.

Marie commençait à sentir la panique monter dans son corps : sa respiration s’était accélérée, ses mains étaient devenues moites, son ventre était douloureux et elle ne sentait plus ses jambes. Elle essaya d’appeler un de ses collègues, en vain. Il n’y avait pas de réseaux. La seule chose qui lui restait était ses quinze pourcents de batterie. Quinze pourcents, et il était à peine 00h. Personne ne serait là avant 6 heures du matin. Et la reine ne pouvait pas compter sur la pollution lumineuse de la ville : sa seule source de lumière était sa lampe de poche. 

Elle se mit à pleurer. Son royaume, si féérique la journée, si joyeux, était devenu un endroit froid et cauchemardesque. Son refuge était devenu sa prison. Ce parc dont elle pensait connaître les moindres recoins était devenu gigantesque, presque inconnu. Sans rien ni personne, Marie se sentait nue et démunie, elle était comme un petit caneton perdu dans la mare, proie idéale des prédateurs, attendant que sa maman canard vienne le chercher. 

Soudain, elle entendit un bruit lointain. Le bruit de quelque chose, ou quelqu’un, qui marchait sur des brindilles. À cet instant, la gardienne revit l’écriture ensanglantée sur le mur, « dégage ». Ses jambes la lâchèrent, elle tomba à genoux : quelqu’un en avait après elle et lui voulait du mal. Cette personne avait dû lui prendre ses clefs pendant son sommeil et attendre la fermeture du parc pour la faire disparaître pour de bon. 

Quand le silence et l’obscurité règnent en maître sur le royaume, on peut entendre les mouches voler. Et si on entendait les mouches voler, les sanglots de Marie ne passaient pas inaperçus. 

La reine se retrouva paralysée par la peur. Ses pieds étaient ancrés dans le sol, et ses jambes étaient aussi immobiles qu’un tronc d’arbre. 

Les bruits des pas s’étaient arrêtés tout près d’elle. « Ça y est, c’est la fin » songea-t-elle. Elle rouvrit les yeux juste pour, au moins, voir son assassin. Elle ne vit rien. Alors, elle baissa les yeux et se retrouva face à un renard. La pression retomba si fort qu’elle se mit à pleurer de rire. Elle n’avait jamais autant ri de toute sa vie. 

Persuadée que son heure était venue, elle repensa à une discussion qu’elle avait eue avec le jeune travailleur, peu avant son assassinat. Il lui avait raconté qu’il avait aperçu un renard dans le quartier, tard le soir. Il adorait cet animal, rusé et vif. Habituellement, elle ne croyait pas en la vie après la mort ou à la réincarnation. Pourtant, elle voyait dans le regard du renard le calme et la sagesse qu’avait Marc. Peut-être était-ce cela qui la faisait autant rire : imaginer que l’esprit de Marc se manifestait sous la forme d’un renard était la chose la plus insensée qu’elle ait jamais pensée. 

Mais les rires ne purent pas couvrir les pas qui s’approchaient dangereusement d’elle. Il était vêtu d’une capuche noire et il tenait une hache dans sa main droite. 

Marie les entendit, et en voyant le renard s’enfuir à toute vitesse, son angoisse remonta aussi vite qu’elle était descendue. Mais cette fois-ci, elle n’était plus enracinée dans le sol : elle pouvait courir. Elle partit donc en courant, essayant de trouver un endroit pour se cacher. Une voix grave perça le silence « Tu peux courir, mais tu ne pourras pas te cacher. » Après cela, Marie n’entendit plus que son cœur battre dans ses oreilles. 

Ses yeux furent attirés par deux petits points verts qui brillaient dans le noir. C’était la chatte. Elle était perchée près de la deuxième entrée, entre deux arbres qui laissaient un trou : ce petit espace était sa seule porte de sortie. 

Le seul problème était qu’il était en hauteur. Elle risquait de se casser une jambe. Mais elle n’avait plus le temps de réfléchir, il était derrière elle. 

Elle sauta. Elle entendit l’os de sa jambe se briser à la chute trop brusque, mais elle ne sentait pas la douleur. La seule chose qui préoccupait Marie était de s’en sortir et de trouver de l’aide. Elle se mit donc à monter la rue verte le plus vite possible, trouva un bar ouvert à la place Sainte-Marie et entra. La reine ressentit alors une lancinante douleur. Hors de danger, l’adrénaline était descendue, et sa jambe cassée lui faisait terriblement mal. C’était la dernière chose dont elle se souvenait, puis elle s’évanouit. 

Elle se réveilla le lendemain à l’hôpital. La pluie frappait contre sa vitre, le ciel gris rendait la chambre froide et sombre. Le lit était petit et pas très confortable. « Ce n’est pas une chambre de reine », marmonna-t-elle en se redressant. Au début, elle se demanda ce qu’elle faisait là. Puis, voyant sa jambe plâtrée, elle se souvint de la nuit cauchemardesque qu’elle avait passée. Son ventre et sa gorge se nouèrent, son corps et son esprit étaient paralysés. Elle ne put plus parler ni manger pendant une semaine. Elle entendait les infirmières parler de « stress post-traumatique ».

  • Madame Boileau ? Vous avez de la visite. 

L’infirmière entra accompagnée de deux hommes. Le premier était un homme blond de petite taille, il avait un visage rond et des joues charnues. Le deuxième était un brun de grande taille, il était maigre et son visage était creusé. Le petit blond tenait un carnet et un stylo dans sa main, et le grand brun prit une chaise et s’installa à son chevet. 

  • Bonjour Madame Boileau. Je suis l’inspecteur Ernaux et je suis accompagné de mon assistant, Monsieur Gallimard. Nous sommes là pour comprendre ce qui s’est passé la semaine dernière. Vous en souvenez-vous ?

Marie hocha la tête. Le nœud dans sa gorge commençait à se défaire. Au début, elle répondit aux questions sur une feuille de papier. Sa voix se réveillait petit à petit. 

  • Bien, je n’ai plus d’autres questions. Je dois malheureusement vous dire que nous devons fermer le parc le temps de l’enquête.
  • C’est à ce moment-là qu’on entendit la voix de la reine pour la première fois depuis l’accident. 
  • Non, dit-elle, ne le fermez pas. Pas encore. C’est mon royaume, c’est chez moi. 

Gallimard se retint de rire en entendant cette phrase. « Encore une folle qui se croit dans un conte de fées ». Ernaux, quant à lui, sourit tristement à Marie. 

  • Je suis navré, mais nous ne pouvons pas laisser un endroit dangereux ouvert. Je vous accompagnerai pour prendre des affaires dans votre bureau à votre sortie. 

Il sortit un bout de papier de sa poche. 

  • Je vous souhaite un bon rétablissement, madame Boileau. Appelez-moi quand vous serez prête à prendre vos affaires. 

Il se leva et partit, suivi de son assistant qui lui murmura en riant qu’elle s’était sûrement cogné la tête et qu’elle délirait. Cependant, elle s’en fichait. Elle était trop dévastée par cette horrible nouvelle. Elle ne voulait pas l’accepter. Elle ne pouvait pas l’accepter. Si le parc fermait, l’homme à la hache gagnait, et il en était hors de question. Elle ne pouvait pas abandonner son royaume à un si triste sort. Elle serra les dents, engloutit l’assiette que l’infirmière avait apportée plus tôt et marmonna «  Il va voir de quel bois je me chauffe, cette enflure ! »

Elle sortit de l’hôpital dans la soirée. Malgré ses béquilles, elle avait une démarche royale : elle était déterminée à reconquérir son royaume. Elle prit le tram 92, descendit à l’arrêt « Sainte-Marie », contourna la place et descendit la rue verte. 

Une fois arrivée devant la porte, elle téléphona à un des jeunes travailleurs. Il lui ouvrit et il insista pour rester avec elle. Elle accepta. 

La première chose qu’elle fit fut de retourner dans son bureau et de chercher son trousseau de clefs. Aucune trace, elles avaient bel et bien été volées. Elle repensa au moment où elle s’était assoupie. Elle n’avait rien entendu, mais la chatte n’avait pas bougé. Les chats ont tendance à se cacher quand il y a un danger. 

Marie regarda la porte et émit sa première hypothèse : la chatte connaissait celui qui était entré par effraction chez elle : il devait être son maître. 

Ensuite, il avait dû trouver les clefs sur son bureau et les prendre. Mais pourquoi ne pas l’avoir tuée à ce moment-là ? Il y avait sans doute trop de monde aux alentours.  

Elle ne porta plus attention au jeune homme qui l’accompagnait. Elle prit un bloc-notes et commença à noter tout ce qui lui passa par la tête : la chatte n’avait pas l’air d’être une grande sportive, elle devait donc venir du quartier. L’homme à la hache devait alors être proche du parc. Il fallait qu’elle trouve le propriétaire de cette chatte ! 

Pour cela, il fallait l’attraper et la faire passer pour disparue ou l’emmener chez le vétérinaire pour voir si elle avait une puce. Cela compliquait la tâche. Il y avait une autre solution : reconnaitre la voix de cet homme. Cela allait être compliqué avec ses béquilles, mais c’était toujours mieux que de kidnapper une chatte : elle ne voulait pas s’abaisser à ça. 

La reine termina d’écrire, mit le papier dans la poche de sa jupe et sortit avec le jeune homme. Elle descendit la pente du parc, passa devant la plaine de jeu et le terrain de basket, en jurant que bientôt les enfants reviendraient jouer. Puis, Sa Majesté observa les alentours : la première entrée, située près de la gare du nord, était intacte, et vu sa hauteur, il aurait été difficile de l’escalader sans se casser un os. La deuxième porte d’entrée, plus haut dans la rue, était elle aussi sans trace d’effraction. 

Pendant que Marie essayait d’ouvrir la porte de la réserve de droite, le jeune homme voulut s’adosser contre la porte de l’autre réserve. Il tomba en arrière, sur ses fesses. Il grimaça. La porte était ouverte. 

Marie l’aida à se redresser, lui demanda si tout allait bien puis reprit son enquête : les deux portes étaient à priori toujours fermées, Donc, le suspect avait dû s’enfuir de ce côté. Mais pour aller où ? Il y aurait eu des plaintes d’intrusion s’il s’était enfui par les jardins. Cela confirmait son hypothèse : le coupable était l’un des voisins. 

Elle remarqua que cette réserve menait au jardin des voisins. Elle escalada le petit grillage et avança dans le jardin, en espérant que personne n’était dans la maison. Le jardin était beau et fleuri, tout était aligné avec une précision parfaite. « Cette maison doit être habitée par un vrai maniaque », songea-t-elle.

En s’enfonçant dans le jardin, elle aperçut une échelle, qui était proche de la première scène de crime. Cela pouvait tout et ne rien dire à la fois. Elle s’avança près de la fenêtre avec la discrétion d’une souris et constata que personne n’était dans la maison. Personne sauf une petite boule de poil qui la regardait avec ses yeux verts perçants. C’était elle, la chatte qui venait la voir. Elle vit aussi la hache contre la porte. Son cœur s’emballa, elle l’avait trouvé et il était fait comme un rat. 

Mais pour en être certaine, elle voulait entendre la voix de ce voisin. La reine rebroussa chemin, remercia le jeune homme et rentra chez elle. 

Là, Marie appela l’inspecteur Ernaux et lui demanda de l’accompagner le lendemain matin reprendre ses affaires. Ensuite, elle prit de la farine, du sucre, des œufs, de l’huile et des fraises et fit un délicieux gâteau à la fraise et à la chantilly. 

Le lendemain, après avoir récupéré ses affaires, elle demanda au grand brun de l’accompagner offrir une part de gâteau au voisin. La reine prétexta un geste de bonté : vivre à côté d’une scène de crime ne doit pas être facile. Elle sonna, il ouvrit. 

  • Bonjour, en quoi puis-je vous aider ?

Il était grand et blond, et il était très propre sur lui : sa chemise n’avait pas un pli, ses chaussures étaient parfaitement cirées, et, derrière lui, on pouvait voir que sa maison était parfaitement propre et en ordre. Il avait les joues creusées et des poches sous les yeux.  

Elle se souvint de sa voix. Elle résonna dans tout son corps ; elle en lâcha son gâteau. 

  • C’est lui ! cria-t-elle. C’est lui je le reconnais ! 

L’inspecteur, surpris, lui demanda si elle était sûre. Elle hurla que oui. Il emmena l’homme au commissariat et lui posa quelques questions.

L’homme nia mais on le garda en détention préventive. 

Le lendemain, la police revint chez lui avec un mandat de perquisition. Ils trouvèrent la hache ensanglantée et ils obtinrent des aveux. Le meurtrier, William, avait fait tout ça pour faire fuir Marie. Le parc était trop bruyant et perturbait le calme de sa maison et la paix dont il jouissait depuis longtemps. 

Le parc rouvrit. Au début, peu de gens venaient après ce qu’il s’y était produit. Mais au fil des semaines, le royaume de la reine verte recommença à vivre : les enfants jouaient ensemble, les amoureux se baladaient sous le chant des oiseaux et le restaurant était plein à craquer. 

Les fleurs avaient éclos, les oisillons apprenaient à voler, la chatte, surnommée Minette, faisait la sieste au soleil. 

Le soir, on pouvait apercevoir le renard se promener. 

Marie, la reine verte, avait récupéré son royaume. Elle n’avait jamais été aussi heureuse. Elle fit la rencontre d’une femme, Domitienne, à qui elle confia les jeunes travailleurs et l’administration du parc. Cette dame très touchante et passionnée des animaux racontait aux enfants l’incroyable légende de ce parc : il était une fois, au royaume enchanté de la reine verte, un monstre qui semait la terreur sur les terres. Mais la reine verte, aidée par les oiseaux sages, la chatte messagère et le renard gardien, avait repoussé les forces du mal et ramené la paix dans son royaume. 

Désormais, tous les visiteurs l’appelaient Majesté. Les enfants lui avaient même fait une couronne de fleurs et s’inclinaient devant elle quand elle venait leur dire bonjour. Au restaurant, tout le monde voulait goûter le nouveau cocktail du chef : un bloody Mary revisité et renommé greeny Mary. Ernaux et Gallimard venaient souvent manger là-bas, et ils y racontaient leurs enquêtes farfelues. Ils se firent rapidement surnommer Sherlock et Watson. 

Après avoir eu l’autorisation de la famille de Marc, elle installa une petite pancarte commémorative à côté du plus grand arbre du parc. Elle baptisa l’arbre « Le grand Marc ». Il devint un lieu de rendez-vous pour les jeunes amants qui se voyaient en cachette. 

Quelques mois plus tard, la famille royale s’agrandit : Marie adopta une petite fille, Lavande, qui se fit surnommer « princesse » dès son arrivée. Minette aussi avait eu des chatons : Arthur, Lancelot, Guenièvre et Morgane. Quatre petits chatons noirs qui attendrissaient les passants. 

Le rêve de Marie avait été réalisé : elle avait son royaume, et tout le monde y était heureux. Elle y avait ses sujets, ses gardes, ses chevaliers et sa princesse. Cette sombre histoire faisait partie du passé, sa vie était désormais un conte de fées.